L’acupuncture, comment ça marche?
Cette question pique la curiosité des amateurs d’acupuncture… et des scientifiques! Des avancées récentes en neurosciences et en anatomie ont permis à la communauté scientifique de développer des théories sur le fonctionnement de l’acupuncture. Voici un résumé des explications physiologiques présentement considérées pour expliquer son effet thérapeutique sur le corps. Les mécanismes d’action présentés ne sont pas mutuellement exclusifs, ils s’additionnent selon les différentes interventions effectuées par l’acupuncteur.
Principaux mécanismes d’action de l’acupuncture
L’acupuncture affecte les muscles et fascias
Dans le traitement des douleurs musculo-squelettiques, il est habituel pour l’acupuncteur de placer des aiguilles au niveau des zones sensibles et des “nœuds” dans les muscles et fascias. Cette approche vise à relâcher la tension accumulée dans ces tissus et accélérer leur rétablissement.
En insérant une aiguille dans la peau et les tissus sous-jacents, l’acupuncteur induit des micro-lésions aux tissus et déclenche un processus de régénération et une analgésie. L’aiguille d’acupuncture va stimuler l’action des nerfs adjacents et causer l’émission de molécules signalant pour une augmentation de la circulation dans la région ciblée (par vasodilatation), un phénomène bénéfique pour la réparation tissulaire et la régulation du phénomène inflammatoire 1,2,3.
Quand un acupuncteur puncture une fibre musculaire particulièrement tendue, il peut aussi déclencher une petite contraction musculaire locale 3. Cette sensation, quoique surprenante, apporte généralement une détente additionnelle de la fibre musculaire impliquée et une réduction de la douleur.

L’action de l’acupuncture sur les fascias
Le fascia est un tissus conjonctif formant un réseau dans le corps et dont les fonctions continuent d’être découvertes. Ses propriétés visco-élastiques lui confèrent un rôle biomécanique essentiel. Une inflammation ou autre atteinte du fascia peut être centrale au développement de certaines conditions musculo-squelettiques (mal de dos, fasciite plantaire, etc). Le fascia est aussi piézoélectrique, c’est-à-dire qu’il peut générer un courant électrique sous contrainte mécanique 4. La communauté scientifique tente de mieux comprendre l’implication de ce courant dans le fonctionnement du corps.
Des chercheurs et observateurs ont remarqué la correspondance entre les plans fasciaux du corps et les trajets des méridiens décrits en médecine traditionnelle chinoise. Les chercheurs Langevin et Yandow ont en effet observé une correspondance de 80% entre les plans de clivage du fascia et le trajet des méridiens 4. En insérant et tournant une aiguille dans la peau et le fascia sous-jacent, l’acupuncteur applique une contrainte mécanique sur le fascia, pouvant ainsi l’étirer et déclencher cette réaction piézoélectrique. L’effet physiologique du déclenchement par acupuncture de ce courant piézoélectrique dans le corps reste à étudier. Les fascia peuvent-ils influencer le fonctionnement des organes connexes? 4 L’intérêt des scientifiques pour ces structures est en plein essor!

L’acupuncture influence le système nerveux autonome
Des recherches récentes démontrent que l’acupuncture aurait un effet sur l’équilibre du corps via le système nerveux autonome 5, 1, 2. Ce dernier joue un rôle central dans le fonctionnement de nos organes internes et leur régulation des fonctions vitales (respiration, circulation, digestion, réparation, sommeil, reproduction, etc.). Cet équilibre du corps, dit homéostasie, implique une modulation des branches sympathique et parasympathique du système nerveux autonome, générant un mode “alerte” et un mode “repos” dans le corps 6. Un déséquilibre dans cette modulation du système nerveux peut entraîner chez une personne une suractivation sympathique (ou l’inverse) et peut générer par exemple des symptômes d’hypervigilance, d’anxiété, d’insomnie, des troubles digestifs, etc 7.
L’effet modulateur de l’acupuncture sur le système nerveux autonome est fréquemment considéré comme une explication scientifique pour le concept de l’équilibre entre le “Yin” et “Yang” du corps. Ces concepts fondamentaux de la médecine chinoise appliqués au corps humain décrivent notamment des fonctions vitales en mode activation et repos 5, 1.
Le rôle des réflexes somato-autonomes
Plusieurs recherches sur des animaux ont démontré l’activation par l’acupuncture des voies neuronales sympathiques et parasympathiques. Des recherches suggèrent que les points d’acupuncture situés sur l’abdomen peuvent induire une réaction sur les organes internes innervés par le même segment spinal. Il existe aussi des recherches portant sur l’impact de certains points situés sur les extrémités du corps et leur action sur des activités viscérales1. À titre d’exemple, une étude a démontré chez les animaux l’action d’un point sur la jambe affectant la motilité gastrique, via l’activation du réflexe parasympatique du nerf vague 8.

Le rôle des neurotransmetteurs
L’acupuncture agit également sur le système nerveux en stimulant la sécrétion de certains neurotransmetteurs. Par exemple, le déclenchement de la sécrétion d’endorphine par la stimulation de l’aiguille en acupuncture est maintenant bien établie. L’acupuncture peut également affecter le niveau d’autres neurotransmetteurs tels que la sérotonine et la dopamine dans le système limbique du cerveau. Ce groupe de structures cérébrales comprend l’hippocampe, l’amygdale et leurs connexions avec l’hypothalamus, ainsi que divers centres liés au comportement émotionnel, à la motivation et à l’appétit. Cela pourrait impliquer une panoplie d’effets thérapeutiques liés à l’acupuncture. Notons par exemple son usage dans le traitement de la dépression ou pour aider en cas d’arrêt tabagique 1,2,7.

Le rôle de la signalisation purinergique
Les cellules peuvent communiquer entre elles via différentes substances chimiques, dont l’ATP (adénosine triphosphate). L’aiguille d’acupuncture, lorsqu’insérée dans la peau, provoque la sécrétion d’ATP extracellulaire, une réaction appelée signalisation purinergique9. L’ATP extracellulaire peut engendrer une cascade de réactions biochimiques dans les tissus et l’organisme. Ces molécules d’ATP interagissent avec les cellules nerveuses, qui transmettent un signal à la moelle épinière et au cerveau. Ces signaux, lorsque dirigés au tronc cérébral, semblent jouer un rôle dans la régulation d’une variété de fonctions physiologiques, telles que digestives, ou cardiovasculaires. Lorsque dirigées vers les centres supérieurs du cerveau, ils peuvent moduler la douleur1,10.
Certains se demandent comment l’acupuncture peut prétendre soigner un aussi grand nombre de conditions de santé. L’action de l’acupuncture sur la signalisation purinergique pourrait en soi expliquer ce vaste champ d’action9, sans compter les autres effets répertoriés sur le corps.

Références pour cette page:
Cette page est fortement inspiré des travaux de synthèse des chercheurs Lund, Lunderberg et Cheng qui présentent dans leurs articles une revue des phénomènes physiologiques potentiellement impliqués dans le traitement par acupuncture.
- Cheng. K (2013) Neurobiological mechanisms of acupuncture for some common illnesses: a clinician’s perspective. Journal of Acupuncture and Meridian Studies. 2014 Jun;7(3):105-14. doi: 10.1016/j.jams.2013.07.008. Epub 2013 Aug 17.
- Lund et Lundeberg (2016) Mechanisms of Acupuncture, Acupuncture and related therapies, Disponible en ligne.
- Chu, Jennifer (2002), The muscle twitch in myofascial pain relief: Effects of acupuncture and other needling methods, Electromyography and Clinical Neurophysiology ·
- Langevin HM, Yandow JA (2002). Relationship of acupuncture points and meridians to connective tissue planes. Anatomical Record. 2002 Dec 15;269(6):257-65. Disponible en ligne
- Li QQ 1, Shi GX , Xu Q , Wang J,Liu CZ, Wang LP (2013). Acupuncture effect and central autonomic regulation. Evidence Based Complementary Alternative Medecine, doi: 10.1155/2013/267959. Epub 2013 May 26.
- Low, Philip (2021). Overview of the autonomic Nervous System. Mercs Manuals, Professional version. Disponible en ligne: https://www.merckmanuals.com/en-ca/professional/neurologic-disorders/autonomic-nervous-system/overview-of-the-autonomic-nervous-system
- Johnson EO, Kamilaris TC, Chrousos GP, Gold PW. (1992). Mecanisms of stress: an overview of hormonal and behavioral homeostasis. Neuroscience Biobehavioral Reviews, Summer;16(2):115-30
- Sato A (1997). Neural mechanisms of autonomic responses elicited by somatic sensory stimulation. Neuroscience and Behavioral Physiology, Vol. 27, No. 5, 1997
- Burnstock, G.. (2009). Acupuncture: a novel hypothesis for the involvement of purinergic signalling. Medical Hypotheses. Disponible en ligne.